Il s'agit là d'une démarche absolument fondamentale pour l'enseignant. Chacun doit se constituer progressivement un lexique de notions qui va plus loin qu'un lexique de type dictionnaire ou lexique de manuel. Il s'agit de privilégier une dimension dynamique qui aide les élèves à se les approprier.
Le travail autonome des élèves ne peut en être que facilité, de même que celui du professeur, notamment pour la progressivité des apprentissages.
A titre d'exemple, voici quelques propositions de notions utiles pour bâtir les premiers cours de sixième : civilisation, religion, Etat, Empire, ville.
Ensuite, une proposition pour la notion de citoyenneté.
CIVILISATION
(CIVILISATION : L'essentiel est de faire découvrir, sans s'attarder sur une approche chronologique, les permanences d'une civilisation : un territoire, une société agraire (les hommes), un pouvoir (le pharaon), des croyances (les dieux). ancien programme de collège 6ème)
On voit dans ce que nous savons de l’Egypte ancienne l’exemple de l’une des premières civilisations. Les savants définissent généralement UNE civilisation par les éléments suivants :
- Une longue durée de vie
- Un territoire : une population en majorité sédentaire vivant dans des villes et des villages
- Une société : chaque individu exerce un métier spécialisé. Cette société est hiérarchisée, c’est à dire qu’il existe des groupes dominés et des groupes dominants
- un pouvoir : un Etat est capable d’organiser la société grâce aux richesses qu’il peut prélever grâce à l’impôt
- des croyances partagées par l’ensemble de la société…
- … transmises par une religion organisée autour de temples et de prêtres
- un commerce à longue distance, donc des relations avec d’autres civilisations
- des réalisations artistiques monumentales qui subsistent jusqu’à nos jours
- une écriture (comptabilité, registre, etc.)
- des connaissances scientifiques (arithmétique, géométrie, astronomie)
RELIGION
- Une ensemble de réponses aux questions plus ou moins importantes, plus ou moins angoissantes, que les hommes se posent (pourquoi la vie, la mort, la douleur, la joie, etc… ? Quelle est l’origine des hommes, des animaux, des plantes… ?)
- Des croyances dans un monde surnaturel où vivent un ou plusieurs dieux qui organisent la vie des hommes
- La croyance en une vie éternelle, après la mort, qui oblige à préparer le corps du défunt pour son voyage dans l’au-delà, et – au moins pour le pharaon- à lui construire un tombeau éternel où l'on dépose tout ce qui est nécessaire à sa vie dans l’au-delà
- Une organisation de la religion par un clergé (ensemble de prêtres) qui entretiennent les maisons des dieux (les temples), expliquent aux fidèles ce qu’il faut faire pour satisfaire les dieux (les rites)
ETAT
On a pu dire que ce que nous savons de l’Egypte ancienne est l’exemple d’un des premiers Etats. Si on définit un État par les éléments suivants :
- Un territoire défini par des frontières, plus (Empire) ou moins (cité-Etat) étendu, défendu contre des Etats voisins par une armée
- Un souverain unique, qui dispose de tous les pouvoirs, entouré d’une cour…
- … aidé par une administration composée de ministres et d’un ensemble de fonctionnaires qui utilisent une écriture universelle.
- Un développement des richesses sur lesquelles des impôts sont prélevés (système fiscal)
- Un système de croyances qui oblige la population à se soumettre à l’autorité du souverain
EMPIRE : vaste territoire structuré par une dynamique contradictoire
1/ TAILLE espace, vaste étendue. territoires réunis par conquêtes successives. Rôle central de armée (armes, armées, batailles…). Pb majeur = sécuriser les frontières (ex : limes, muraille de Chine, peuples fédérés, alliés… (outils : une carte, représentation de soldats, de bataille…)
2/ MOSAÏQUE diversité culturelle et ethnique. Pluri-nationalité de peuples ralliés par la contrainte ou de leur plein gré à la structure impériale. Il faut sans cesse intégrer à l’Empire des activités, des richesses, des hommes et des sociétés nouvelles (tension : apartheid/intégration des élites), réduire les résistances dans un premier temps, empêcher qu’elles ne resurgissent ensuite (ex : « paix romaine »).
3/ DUREE
conquête / diffusion / relations avec d’autres Empires / dislocation / partage en royaumes
4/ EMPEREUR véritable ciment d’unité, pouvoir suprême transmis héréditairement assuré par un individu sacralisé qui a des droits de nature divine (outils : discours mythique (ex correspondance Alexandre/Achille) représentations de l’Empereur, monnaie…)
5/ FORCE CENTRIFUGE dynamique qui pousse l’Empire à repousser toujours plus avant ses frontières. L’objectif plus ou moins avoué est de faire coïncider l’Empire avec l’univers (« sur lequel le soleil ne se couche jamais ») conséquences : perpétuellement en guerre, la problématique générale de l’Empire (centre/périphérie, dialectique unité/diversité…) rendue à chaque étape plus difficile
6/ FORCE CENTRIPÈTE pouvoir le plus souvent établi par la force et la conquête qui s’appuie sur une administration et une armée centralisées, même si une certaine marge d’autonomie peut être accordée. Il faut organiser le territoire par un ciment politique (empereur, capitales, administration…) et un ciment culturel (syncrétisme, religion, civilisation) : des réseaux commerciaux, monétaires et financiers, administratifs, militaires, urbains, communication de l’information, une langue impériale, une histoire, un réseau scolaire pour drainer vers le centre les meilleurs éléments vers les institutions garantes de l’unité (armée, administration, justice, arts et culture, religion…)
ville
1. un paysage marqué
par la densité de habitat, des activités, des populations
par des limites clairement identifiées (murailles)
par un plan particulier (soit concentrique, soit orthogonal)
par des bâtiments remarquables
2. un carrefour de voies de communication
qui joignent la ville aux campagnes
un réseau intra-urbain
dans un réseau inter-urbain (qui dessine la hiérarchie des villes)
3. des activités particulières
services et échange
pas de production agricole
une production artisanale
une production industrielle (deux configurations : l’usine fait la ville, la ville fait l’usine)
4. une société (et une sociabilité) particulière
toute la gamme de la hiérarchie sociale : la plus grande misère côtoie la plus grande richesse
dynamique : affrontement, ou mobilité sociale
5. un lieu de pouvoir :
sur son aire d’influence
en quête d’autonomie par rapport aux pouvoirs
lieu des pouvoirs à d’autres échelles (étatiques, supra-étatiques)
6. un discours marqué par ambivalence
positif : lieu de la civilisation, de l’urbanité, de la culture, de la bonne éducation…
négatif : lieu de corruption, de pollution, de solitude…
CITOYENNETE
la notion de citoyenneté se prête particulièrement bien à un travail progressif, notamment dans le nouveau programme de seconde. Mieux vaut d’ailleurs parler de « généalogie » que d’histoire de la citoyenneté, tant il est vrai que la notion peut disparaître, puis réapparaître sous des formes radicalement nouvelles au cours de l’histoire
On peut retenir du petit QSJ La citoyenneté de Anicet Le Pors (voir introduction et table des matières) une méthode de définition, qui a largement inspiré l’ouvrage de référence Réussir l’ECJS au lycée de Guy Lagelée et Marie-Sylvie Claude : La citoyenneté est
- définie par le droit
- se fonde sur des valeurs, des finalités
- réclame une possibilité effective d’assurer son exercice
- s’inscrit dans une dynamique historique
L’enjeu de cette définition est d’éclairer la notion contemporaine de la citoyenneté, non pas dans une continuité, mais en s’interrogeant sur les raisons qui ont conduit notre tradition historiographique à choisir l’exemple d’Athènes et de l’Empire romain comme références de la citoyenneté actuelle. On voit dans l'ouvrage cité comment cette définition permet de présenter les notions d'ECJS
Autres enjeux, l’entrée par la notion de citoyenneté consiste dans un cas à illustrer un exemple de fonctionnement d’un régime politique de démocratie directe, donc l’insistance sur la dimension de l’exercice de droits politiques par les citoyens, l’autre une dynamique plutôt géopolitique, celle de romanisation, donc l’insistance sur la dimension d’intégration d’élites locales dans l’administration d’un Empire dont l’Empereur a progressivement confisqué l’exercice de ces mêmes droits.