Idées résumées de Sanctions et discipline à l’école de Bernard Defrance, La Découverte, édition mise à jour en 2009.
L’auteur propose trois pistes de réflexion intéressantes : la nécessité de faire de la classe un groupe, l’institution de règles au sein de ce groupe et sa mise en situation d’apprentissage. Le propos qui suit est un résumé du texte de l’auteur, comportant des convictions personnelles liées à une pratique de l’enseignement, permettant de réfléchir à la gestion d’une classe.
1) Faire de la classe un groupe :
Bernard Defrance part du constat qu’une classe n’est pas a priori un groupe constitué à partir de centres d’intérêt communs ou de choix amicaux, mais un regroupement, ou un rassemblement, constitué par hasard en fonction de leur domicile, du choix de langues ou d’options, de filières, etc. Les élèves d’une même classe ne choisissent donc pas d’être ensemble et ne choisissent pas non plus leurs enseignants. Si bien qu’il est fréquent d’entendre déplorer en conseil de classe l’hétérogénéité ou le manque de cohérence d’une classe.
C’est justement aux enseignants de construire progressivement une cohérence, qui ne peut se décréter, en faisant de ce rassemblement aléatoire un groupe, animé par une dynamique collective. Pour cela, la création de projets de classe et l’instauration d’une ambiance permettant à chacun d’éprouver du plaisir à se retrouver ensemble sont indispensables.
2) Instituer des règles au sein du groupe-classe :
Pour fonctionner, un groupe a besoin de règles, dont l’enseignant est le garant (attention à l’enseignant « copain » qui se retrouve toujours à un moment ou à un autre ramené à la position de juge, quand il doit remplir des bulletins ou des livrets scolaires, situation qui fait alors comprendre aux élèves qui ne l’avaient pas encore compris de quelles supercheries et manipulations dont ils ont été victimes…). L’auteur souligne que l’attitude face au travail scolaire ou face à des règles n’est jamais acquise a priori (et ne l’a jamais été), celle-ci est construite progressivement.
L’auteur énonce quelques principes sur lesquels doivent reposer ces règles pour qu’elles soient effectives :
- Il est nécessaire de fixer des règles communes et des procédures en cas de manquement à ces règles dès le début de l’année. L’enseignant a tout à gagner à expliquer précisément l’ensemble de ces règles et de ses méthodes de travail en début d’année. Il y a lieu également d’exposer clairement ce qui est, dans l’activité même de la classe, « négociable » et ce qui ne l’est pas, ou ce qui ne l’est pas encore mais peut le devenir, en fonction de l’évolution de la classe (les règles peuvent évoluer au cours de l’année, mais il faut que ces évolutions soient toujours clairement établies et expliquées aux élèves).
- L’important ne réside pas dans le degré d’arbitraire ou le caractère conventionnel de ces règles mais dans leur explication. Nous avons tous des manies ou des rituels qui peuvent être institués en règles à condition de les expliciter : par exemple, certains enseignants interdisent de mâcher du chewig-gum pendant leurs cours, or ceci ne nuit pas au fonctionnement de la classe, donc il suffit que l’enseignant explique qu’il ne supporte pas de voir des personnes « ruminer » devant lui.
- La règle, même arbitraire, ne doit pas varier au gré des humeurs de l’enseignant, qui tolèrerait un jour ce qu’il punirait le lendemain. La règle doit être égale pour tous et invariable dans le temps. L’enseignant doit également s’appliquer les règles qu’il a fixées pour qu’elles soient acceptées par les élèves : il ne faut pas qu’il soit en retard lorsqu’il exige la ponctualité de la part de ses élèves, il ne doit pas mâcher de chewing-gum s’il leur demande de ne pas en mâcher eux-mêmes…
Concernant les punitions et les sanctions :
- Toute sanction doit d’abord se référer à une règle explicitée et tenir compte d’une progressivité dans la prise de conscience des exigences de la loi (selon l’âge de l’élève).
- La fonction de la punition ou de la sanction est double : d’une part la réparation envers celui ou ceux qui ont été victimes de la transgression, d’autre part la réinstauration de la loi.
- Un élève a le droit de ne pas être intéressé par un cours. En revanche, nul ne saurait, par son comportement, empêcher les autres de s’y intéresser.
- L’utilisation des notes dans un objectif de normalisation des comportements et non de stricte évaluation chiffrée de savoirs ou de compétences acquis doit être bannie, d’autant plus qu’elle est proscrite dans les textes officiels. On ne doit mettre un zéro ou modifier une note pour punir des comportements considérés comme fautifs (oubli du manuel ou du cahier, bavardages, agitation, etc.). Il faut séparer strictement ce qui relève de l’évaluation et ce qui ressort de la punition ou de la sanction.
- Pour rechercher les meilleurs moyens d’assurer un ordre réel, construit progressivement, dans la classe, le principe directeur est tout simplement de faire en sorte que la punition devienne de plus en plus inutile.
3) Mettre le groupe-classe en situation d’apprentissage :
L’auteur insiste sur le fait que des cours doivent permettre la construction de savoirs et de sens. Il souligne les bénéfices de la différenciation pédagogique, des travaux de groupe, de l’entraide entre élèves, de la mobilisation des énergies autour de micro-projets communs, bref, tout ce qui permet aux élèves d’expérimenter la très grande variété des modes d’accès aux savoirs et des situations d’apprentissage.
Il remet également en cause l’enseignement magistral qui favoriserait la passivité des élèves et les bavardages dans la classe : « la structure de transmission des savoirs interdit à la majorité des élèves de saisir, par une démarche active, la nature même des savoirs ; le paradoxe de la démarche pédagogique imposive et magistrale (qu’elle passe par le cours ou par un jeu de pseudo-questions et de pseudo-réponses : la « devinette » bien connue…) est qu’elle prétend se justifier par la nécessité de respecter les rigueurs et les complexités des savoirs, en décomposant par degrés les étapes de l’analyse, du simple au complexe, et que l’attention ou l’effort seuls peuvent permettre de les comprendre. Or, en privilégiant le programme au détriment du projet, les résultats des acquisitions au détriment de leur genèse, en confondant exposition et imposition, cette démarche va à l’encontre précisément d’une appropriation de la nature véritable des savoirs. Cette instruction n’est dans les faits qu’une accumulation souvent incohérente d’informations diverses, dont la quasi-totalité des contenus reste extérieure au sujet apprenant et n’en modifie en rien les opinions ou attitudes. » (p 83)