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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 12:05

Oyez, oyez braves stagiaires, voici venu le temps de parler de cette belle époque médiévale qui a tant donné à l'historiographie française... La partie se divise en deux temps :

  • la base du sujet, à savoir la chrétienté médiévale : je vous ferai grâce du résumé de la littérature eduscolienne, vous êtes bien assez grands pour ça, mais il s'agit essentiellement de montrer, sur la période couvrant les XIe, XIIe et XIIIe siècles, la façon dont l'Église catholique, seul marqueur d'unité de l'Europe occidentale, encadre les fidèles, leur vie, et comment, avec l'achèvement de la réforme grégorienne (Latran 1215), elle unifie et normalise son corps de doctrine et son discours, ce qui a pour conséquence le développement de la chasse à l'hérésie et les barbecues géants qui vont avec, du sud de la France à la région lyonnaise...
  • à côté, un sujet d'étude à choisir entre "sociétés et cultures rurales", et "sociétés et cultures urbaines". Pour ma part, j'ai choisi de travailler sur la ville, non par atavisme de sous-bobo regardant avec nostalgie de l'autre côté du périph depuis le 93 (quoique...), mais dans une volonté de lien avec la cité antique et la ville en géo, sans oublier le cours d'histoire suivant... Il s'agit ici de montrer, même si le monde urbain est encore extrêmement minoritaire, qu'il est en train de devenir le centre de l'économie et du pouvoir, et d'une société en pleine évolution, voire même, si vous êtes en forme métropolisante, de réseaux à différentes échelles...

 

Reste la question centrale, comment articuler tout ça, et quels choix faire vu la très grande liberté accordée ?

 

Pour ce qui est des choix :

  • en ce qui concerne les villes, plusieurs pistes possibles : les villes italiennes bien évidemment, avec l'essor du mouvement communal, même si cela va vous obliger à savoir une bonne fois pour toutes de qui les guelfes et les gibelins sont partisans... On peut également travailler sur les villes de foire, notamment celles de Champagne, si vous avez la nostalgie de Châlons ou si vous vous trouvez dans un périmètre proche de Provins. Deux cas à signaler : Paris d'abord, ville du roi avant d'être ville des Parisiens, et donc un cas assez spécial, mais aussi Venise, dont le système très particulier et l'indépendance peuvent poser problème...
  • pour la chrétienté, vous devez étudier un élément de patrimoine religieux dans son contexte, ainsi qu'un exemple pour expliquer la christianisation en Europe. Pour ce qui est du patrimoine religieux, vous n'avez que l'embarras du choix avec la blanche robe d'églises qui recouvre le continent à l'époque (copyright Raoul Glaber). Pour ce qui est de la christianisation, on peut s'appuyer sur les efforts de la réforme grégorienne, on peut aussi travailler sur les ordres mendiants, voire plus spécifiquement les prédications ou le combat contre l'hérésie...
  • on peut également associer les thèmes : ainsi, si vous tenez à travailler sur Paris, l'abbaye de Saint-Denis semble indiquée et peut servir à une sortie. Pour Provins, il y a moyen de s'amuser, demandez à Abdelhakim l'état de la restauration et les horaires des différents monuments.On peut voir aussi, si vous faites dans le rural, une grande abbaye, ou un édifice comme Sainte-Foy de Conques... Le spectre est large...

 

Pour ma part, ayant actionné mon tropisme urbain et (donc) italien, j'ai choisi un cheminement qui me maintient dans une quasi-unité de lieu, à savoir la ville d'Assise, berceau de saint François et de son ordre. L'idée est de travailler en 3 temps : commencer par le sujet d'étude sur la ville pour montrer l'essor urbain et le nouveau pouvoir des villes, enchaîner sur saint François, produit de cette bourgeoisie urbaine qui finit par renouveler en profondeur le message chrétien, et finir sur l'organisation de son culte par l'Église catholique, à travers la grande basilique construite pour abriter son corps très rapidement devenu relique... J'utilise ce cours pour construire un travail sur la rédaction, dans la lignée de ce qui a été fait dans les premiers chapitres, notamment dans la façon d'ordonner un paragraphe...

 

 

La Chrétienté médiévale XIe - XIIIe siècle

Une ville, un homme, un édifice : Assise et saint François

 

Pour commencer le cours, et ce quel que soit le support que vous prendrez, il me paraît nécessaire de spatialiser un peu l'ensemble, en particulier pour Assise, qui parle autant à mes élèves chéris que Maubeuge parle à l'imaginaire d'un jeune Colombien...

On peut faire une intro globale, en travaillant à plusieurs échelles : une carte de l'Europe, une carte de l'Italie, et une vue d'Assise, avec possibilité de zoom sur les trois grandes églises de la ville. Les documents sont ici.

 

L'idée est la suivante : montrer la complexité de la carte politique de l'Europe dans un premier temps, de l'Italie dans un second temps (pour les cartes choisies, il y a moyen de trouver mieux, mais il s'agissait de trouver quelque chose où figurait Assise), pour souligner que finalement, le seul principe unificateur reste la religion catholique, même si elle peut être un enjeu politique (et là, premier test guelfes / gibelins), ce qu'on peut confirmer par les vues d'Assise qui montrent cet encadrement de l'espace par la religion.

 

Du coup, on peut amener à une série de problématiques globales :

  • réfléchir sur la place nouvelle ou renforcée de la ville comme centre de diffusion des pouvoirs et d'encadrement des populations, notamment par l'Église
  • réfléchir sur l'évolution du message chrétien dans cette configuration qui se renouvelle autour de la figure d'un homme, François
  • montrer, à travers un bâtiment (la basilique d'Assise) la façon dont l'organisation de l'Église catholique cherche à encadrer les fidèles autour d'un message religieux unifié

 

I- Assise, une ville italienne au coeur de l'essor urbain

 

Je commence donc par l'essor urbain, pour la bonne et simple raison que je poursuis mon analyse spatiale, et qu'il s'agit ici de planter le décor de mon étude. On pourrait tout à fait démarrer de l'édifice pour faire l'homme puis la ville, mais bon, je préfère ainsi, d'autant que je peux tracer des liens avec le cours sur la cité antique.

 

Pour cette partie, la démarche se fait en deux temps :

  • d'abord une analyse de l'essor urbain et de ses enjeux politiques, avec une démarche questions + schéma
  • enfin une démarche comparative entre Assise et un autre type de ville, ici une ville de foire avec Provins

 

A- L'essor urbain et ses ressorts

 

Outre un titre quasiment en forme de vers de haïku, l'idée est donc d'analyser les causes de l'essor des villes, en particulier celui d'Assise. Pour cela, je prends comme support un extrait d'article de l'Histoire sur lequel j'ai fait fonds, et deux extraits des fresques de Giotto.

Le but est de se relier à la cité antique en montrant comment la ville domine sa campagne (ici le contado) par la propriété de la terre, et quels sont les ressorts de son extension, marquée par de nouvelles constructions. Le schéma sert à construire une synthèse en passant d'une forme à l'autre, après des questions reposant essentiellement sur du prélèvement d'informations.

 

Voici le questionnaire et un exemple de schéma, vous pouvez bien sûr la moduler et changer le schéma, mais l'idée est de montrer le fonctionnement et l'extension de la ville.

 

B- Les combats pour l'autonomie : l'affirmation de sociétés urbaines nouvelles

 

Même démarche, même type de feuille, même trace écrite questions et schémas. On rentre ici dans la question du gouvernement de la ville, avec cette idée de la reconnaissance des populations en pleine ascension sociale qui veulent casser la limite entre boni homines et homines populi, conflit qui se place à une plus petite échelle, celle des conflits entre le pape et l'empereur, mais aussi entre villes, comme le montre la tutelle de Pérouse. Ici, le schéma me paraît plus pratique qu'une synthèse qui serait longue et compliquée...

 

C- Provins, ville de foire, un autre modèle urbain

 

Reste donc à confronter le modèle italien à un autre modèle urbain. La facilité de mon manuel m'avait poussé à prendre celui de la ville de foire champenoise, où une magnifique double page sur Provins attendait l'analyse avec la vertu des femmes de marins... La trace écrite prend la forme d'un tableau comparatif, avec une moitié sur Assise qui sert à remettre en ordre les idées déjà vues, et l'autre sur Provins où les infos prélevées sont immédiatement confrontées. On peut le faire faire à la maison, ou, si on est un pervers polymorphe tendance graphomane, leur faire rédiger une synthèse confrontant les deux cas et ainsi circonvenir le défaut classique du tableau, à savoir la mise en relation des informations...

 

Ayant fini avec ces réflexions urbaines, on peut alors passer à l'enfant le plus célèbre de la cité, j'ai nommé il signore Francesco...

 

II- François d'Assise, symbole d'une religion en pleine évolution

 

Ici, il est donc question de travailler sur l'évolution du sentiment religieux dans la Chrétienté à partir de l'itinéraire d'un homme qui a bouleversé ledit sentiment religieux. On peut donc diviser le travail en deux parties : la vie et le message de François.

 

A- Le fils d'un marchand d'Assise : histoire d'un saint

 

Pour ce qui est de la vie de François, je fais un exercice sur la rédaction d'un paragraphe que voici : c'est vite fait, ça permet de travailler sur les formes à respecter et les connecteurs logiques, et ça permet de faire le lien avec la partie précédente, en montrant que François est le produit d'un milieu urbain très classique, avant sa révélation, mais aussi que malgré la nouveauté de sa démarche et de son message, il prend bien soin de se mettre dans le giron de l'Église. On réfléchit également sur la façon dont une personnalité devient un modèle religieux.

 

B- Le message franciscain : une nouvelle naissance du christianisme ?

 

Pour cela, je pars d'un questionnement plus classique, appuyé sur une série de documents, qui ne sont plus forcément des documents d'historiens : on peut réutiliser quelques idées avec des appuis sur le manuel, notamment pour les questions de vocabulaire. Il s'agit de montrer comment la piété franciscaine s'appuie sur le renoncement aux biens, la prédication, le partage avec les plus pauvres, notamment dans cette Europe de plus en plus urbaine. Il s'agit quelque part de mettre la communauté dans le siècle, en redéfinissant le clivage entre laïcs et clercs.

La synthèse doit donc montrer, en classe ou à la maison, la façon dont le message de François est révolutionnaire, tout en étant une réponse aux évolutions de l'époque. Pour étayer tout ça, les publications ont été nombreuses en 2009-2010, il y a un numéro spécial de l'Histoire que j'ai dans mes archives... Sinon, Franco Zefirelli avait commis un Francesco il y a une vingtaine d'années, avec... Mickey Rourke dans le rôle-titre, ce qui a le mérite de concourir au titre de casting le plus improbable de l'histoire du cinéma...

 

Au final, on peut voir ici la question du message religieux, de son renouvellement et de son inscription dans son époque. Reste à parler de l'encadrement des fidèles, et pour cela, l'organisation du culte de François après sa mort est un support intéressant.

 

III- François et l'Église : la basilique, expression d'une mémoire officielle

 

Il s'agit donc d'utiliser la basilique comme entrée pour montrer la façon dont l'Église catholique encadre la société, ce qui permet de donner une approche concrète à cette partie compliquée...

 

A- Genèse et acteurs d'un projet

 

On reprend le document sur politique et religion à Assise au XIIIe siècle (Doc 5, B du I), pour remettre en place les enjeux de la construction de la basilique :

  • quand a-t-elle lieu ? Mise en place très rapide, enjeu majeur pour les dirigeants de l'Église vu le succès à exploiter
  • quelle organisation ? Mainmise du pape sur l'ordre, ce qui lui permet de mieux contrôler la ville : programme imposant, avec le recrutement des plus grands artistes comme Giotto (lien à faire avec le futur cours sur la Renaissance)

Souligner que l'organisation de la mémoire et du culte du saint passe par l'Église, qui compte bien capitaliser cette image. Et là, vous pouvez glisser un mot sur les hérésies, et la façon dont les ordres mendiants servent de réponse, pacifique pour François, plus combattante pour Dominique (qui ne faisait pas que s'en aller tout simplement, routier pauvre et chantant...). Reste à voir la forme que prend tout cela

 

B- La basilique : un édifice double

 

Histoire de HDAiser un peu ce cours, on peut analyser l'édifice lui-même et son programme : si vous avez besoin de ressources, je peux vous passer 2-3 trucs, sinon, il y a notamment des choses sur le site de l'UNESCO (http://whc.unesco.org/fr/list/990/).

Pour ma part, j'utilise un diaporama pour leur faire construire un schéma : la basilique se construit en 2 niveaux, un niveau souterrain, bas de plafond, en voûtes romanes, et tourné vers la terre, c'est-à-dire la crypte où repose le corps du saint, et la basilique haute, où a lieu l'office, très haute et éclairée, cette fois tournée vers le ciel, où sont représentées la vie et la prédication de François, son lien avec les fidèles.

On peut donc conclure sur le rôle que ce donne l'Église, celui de passeur entre le monde des mortels et le royaume de Dieu, ce que l'architecture de la basilique exprime, ce le rôle d'intercesseur qu'un saint comme François peut avoir, mais toujours dans le cadre de l'institution.

 

C- Giotto : l'art au service du message religieux

 

Pour finir, reste à analyser ce qui recouvre les murs de la basilique et en est la principale merveille : le cycle de Giotto. Important car il s'agit du message transmis aux fidèles, largement illettrés (laïcs en fait...), et l'expression de la "mémoire officielle" de saint François. Il reprend l'hagiographie officielle de saint Bonaventure, faite pour l'édification des fidèles, avec 28 épisodes choisis parmi les 87 de la vie, et sans doute peints par Giotto à la fin du XIIIe siècle. On peut, pour cela, choisir 2 ou 3 scènes et les analyser... Les fresques sont sur le diaporama

 

2 exemples :

  • François donne son manteau
  • Il s'agit de la seconde des vingt-huit scènes de la Légende de Saint-François, réalisée en premier lieu, alors que la scène précédente a été réalisée en dernier lieu : de ce fait, il y a une nette différence de style entre ces deux premières scènes. François donne sa précieuse cape d'or à un pauvre citoyen. La scène se déroule devant deux collines rocheuses, au sommet desquelles l’artiste a représenté le monde de la ville à gauche et le monde du monastère à gauche, les mettant symboliquement en opposition : il s'agit de la première indication de la volonté du saint de mener une vie de pauvreté dans l’isolement.
  • Scène 14 : le miracle de la source
  • Les deux scènes sur le mur d'entrée sont le Miracle de la source et le Sermon aux oiseaux, compositions qui sont sans doute de la main même de Giotto. L'agriculteur, à qui François prêté sa mule comme monture, est tourmenté par la soif. L'eau jaillit du rocher, en réponse à la prière du saint. Giotto montre François priant avec ferveur. L'agriculteur, presque en train de mourir de soif, s'effondre presque dans la source. Comme souvent dans les représentations de Giotto, les personnages - ici les deux Franciscains - commentent la scène et anticipent ainsi la réaction du spectateur.

Le but est de comparer ce qui est là à ce qui a été dit en deuxième partie, en aidant beaucoup beaucoup les élèves à se souvenir, pour montrer comment l'Église peut trier et organiser la mémoire d'un saint pour passer un message à la population. Cet encadrement peut là encore vous permettre de parler hérésie...

 

En guise de conclusion, il est évident que la liberté de choix sur cette période peut vous emmener vers des cours radicalement différents, et c'est bien normal. Cela dit, la démarche qui consiste à montrer d'une part comment la société évolue, en conséquence d'un essor économique incontestable, que ce soit en ville ou à la campagne, et comment cela transforme le sentiment religieux est incontournable. Ainsi, on peut voir comment l'Église, qui en termine avec son programme d'unification et d'encadrement des fidèles, organise son discours pour s'adapter à ces changements tout en maintenant son emprise et un discours dominant. François aurait pu être un hérétique s'il n'avait pas fait allégeance au pape, et les ordres mendiants sont utilisés comme une réponse à ces évolutions sociales et politiques. Et de toute façon, la question de la réforme de l'Église resurgira dans le chapitre suivant, au XVIe siècle. De là à faire de François un précurseur du protestantisme comme certains le pensent, c'est si je suis les autorités compétentes un peu capillotracté, mais on est là au coeur du rapport entre les évolutions de la société et l'Église en tant qu'autorité spirituelle, morale, et largement temporelle, donc au coeur de notre sujet...

 

 

 

 

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